Après avoir été intronisé 11e bey de Tunis, le 30 mai 1855, M’hamed Pacha Bey, dénommé aussi Mouchir, a autorisé la promulgation de toute une série de lois dignes d’une constitution, la première du monde arabo-musulman. Il s’agissait du fameux pacte fondamental (Ahd El Amène).
Dans une précédente édition, on a relaté que Ahmed Pacha Bey se distinguait de ses prédécesseurs par son dynamisme et sa rigueur.
Il avait visité plusieurs régions du pays pour être à l’écoute de ses sujets. Il s’était rendu en France afin de donner une autre dimension à la politique étrangère du pays… De même ce bey éclairé a voulu aussi donner une dimension humaine au royaume de Tunisie en promulguant des décrets relatifs à l’abolition de l’esclavage et l’interdiction du commerce des êtres humains.
El Mouchir Ahmed Pacha Bey avait aussi voulu concrétiser son œuvre humanitaire en créant une commission pour veiller à l’élaboration d’une constitution afin de protéger ses sujets de tout abus en assurant les principes relevant de l’égalité, de la justice et la prospérité à tous les habitants du royaume.
Il s’agissait de l’élaboration d’un code civilisationnel garantissant la justice sociale, la liberté individuelle, celle du culte et tant d’autres valeurs de dimensions humanitaire et universelle.
Seulement, mort subitement le 30 mai 1855, ce bey éclairé n’avait pas pu concrétiser son œuvre sociale et c’est bien son cousin M’hamed, avec qui l’entente était parfaite, qui avait pris la relève du mouchir Ahmed, suivant le chemin tracé par celui-ci pour l’exécution du projet de ce pacte civilisationnel.
En effet, depuis son intronisation 11e bey de Tunis le 30 mai 1855, M’hamed Pacha Bey, dénommé aussi Mouchir, venait d’autoriser la promulgation de toute une série de lois dignes d’une constitution, la première du monde arabo-musulman. Il s’agissait du fameux pacte fondamental (Ahd El Amène).
D’ailleurs, Mouchir M’hamed Pacha Bey sera par la suite intimement lié à ce remarquable pacte.
Le pacte fondamental de 1857
Ce pacte garantit les droits suivants :
– Assurer la sécurité à tous les sujets et à tous les habitants de la régence, indépendamment de la différence de leurs religions, leurs langues, ainsi que leurs ethnies.
– Tous les sujets ont les mêmes droits et devoirs.
– Tous les sujets sont égaux devant la loi, quelles que soient leurs religions et leurs ethnies.
– Personne n’est tenu de changer sa religion (se convertir à l’Islam), chaque individu ayant le droit de pratiquer librement sa religion.
– Application rigoureuse des lois relevant de la réglementation musulmane (Echariâa ou El orf) et de la jurisprudence à tous les sujets de façon égale.
– Les étrangers qui viennent s’établir sur le territoire du royaume ont le plein droit de pratiquer tous les métiers et missions, à condition de se conformer aux lois tunisiennes, comme tous les habitants du royaume.
Le pacte en question contient aussi d’autres règles relevant de la justice sociale, du commerce et de la cohabitation entre Tunisiens et résidents étrangers vivant au royaume.
Le texte de ce pacte à été énoncé par le vizir Ahmed Ibn Abi Dhiaf au palais du Bardo, le 9 septembre 1857, en présence du bey M’hamed entouré de ses ministres, des dignitaires de la cour, des hauts représentants du royaume, des commandants de l’armée ainsi que des consuls des pays voisins.
Ce pacte a été signé par El mouchir M’hamed Pacha bey en date du 9 septembre 1857. Il faut signaler pour la circonstance que juste après l’énoncé du texte du pacte de sécurité, une foule en liesse avait envahi le palais de Bardo pour célébrer cet événement en proclament longue vie au bey pour cette initiative.
Eaux de Zaghouan
Malheureusement, le règne de M’hamed Pacha bey a été troublé par l’histoire de l’eau de Zaghouan. En effet, ce monarque, qui n’était pas du tout démocrate, a été entraîné dans une mésaventure dont voici les péripéties.
En juillet 1859, un ingénieur français du nom de Colin avait visité Tunis et s’était lié d’amitié avec Léon Roche, le consul français.
Il avait fait savoir à ce consul que le drainage de l’eau de Zaghouan à Tunis par le biais de l’ancien acqueduc est faisable.
Que ce projet est rentable et facilement réalisable. Il suffisait d’équiper l’ancien acqueduc de conduites métalliques qui seraient importées de France.
Convaincu de l’efficacité de la proposition de son ami, le consul français avait rendu visite au bey, en lui recommandant la réalisation de ce projet et en lui faisant miroiter qu’une telle opération aurait un impact positif sur l’agriculture, le commerce et sur l’expansion démographique ce qui entraînerait inéluctablement une réduction des impôts pour les agriculteurs et les commerçants de la capitale.
L’idée avait plu au bey en dépit des réticences de ses ministres, excepté le grand vizir Mustapha Khaznadar qui avait accompagné le consul de France et l’ingénieur en question lors de leur visite à Zaghouan.
Etant emballé par l’efficacité et la rentabilité d’un tel projet, M’hamed Pacha bey avait autorisé l’établissement d’une commission entre la cour royale et l’ingénieur «initiateur du projet».
Chose faite. L’ingénieur français avait reçu cash sept millions cinq cent mille francs pour l’achat des conduites métalliques. L’Etat s’était endetté et s’était engagé à payer un taux d’intérêt de six pour cent.
Malheureusement, il s’était avéré, par la suite, que ce projet relevait de l’utopie et que l’ingénieur en question n’était qu’un usurpateur de première classe… et que le bey M’hamed s’est fait rouler en bonne et due forme… lui qui n’avait pas donné de l’importance à la réticence de ses ministres ! Pauvre Sultan, il était tombé dans un piège à l’origine d’un endettement avec toutes les mauvaises répercussions qui en découlaient sur l’économie du royaume !
El Mouchir M’hamed Pacha Bey
Ce bey a régné du 31 mai 1855 au 22 septembre 1859. Il était généreux, gai et clairvoyant mais sévère et intransigeant aussi. Il était contre le gaspillage et n’appréciait point les dépenses excessives relatives à l’aspect exhibitionniste et ostentatoire de sa cour.
Malheureusement, ce bey était aussi naïf et presque illettré, de l’avis de l’historien Ahmed Ibn Abi Dhiaf. La faute incombait à son père, le bey Hussine, qui avait négligé son éducation depuis sa tendre enfance. Un être illettré est un être immature, ce qui explique bien l’erreur fatale de ce bey lorsqu’il s’était fait piéger par l’ingénieur usurpateur français dans l’affaire de l’eau de Zaghouan et qui n’avait pas tenu compte de la réticence de ses ministres dans l’engagement de ce projet invraisemblable et utopique.
Mais le nom du Mouchir M’hamed Pacha bey restera gravé dans l’histoire de la dynastie beylicale. Son règne de 4 ans et quelques mois a été illuminé par l’élaboration d’un document historique qui est le pacte fondamental de 1857.
Une œuvre grandiose ayant des horizons universels.
M’hamed Pacha bey n’avait pas, lui aussi, survécu longtemps. Il décéda à sa résidence privée de La Marsa le 22 septembre 1859 après une longue agonie due à une infection gastrique.
Il fut inhumé au mausolée des Husseïnites à Torbet El Bey à Tunis.
Sources :
– «Ithafe ahl zamène» de Ahmed Ibn Abi Dhiaf
– «L’héritage du trône chez les Husseïnites» de Med Salah Mzali